FAUT-IL CHANTER EN ANGLAIS POUR RÉUSSIR DANS LA MUSIQUE ?
- Vinyles & Vintage

- 7 juil.
- 5 min de lecture
Un voyage à travers les langues, les tubes et les stratégies artistiques
Réussir dans la musique : la domination de l’anglais dans la musique mondiale
L’anglais règne en maître sur les charts internationaux. Des États-Unis à la Corée du Sud, du Royaume-Uni à la Suède, les plus gros tubes planétaires s’exportent en anglais. Il suffit de regarder le top Spotify global ou les classements Billboard pour constater l’évidence : l’anglais est partout. Mais est-ce une fatalité ? Pour réussir dans la musique, est-ce un passage obligé pour tout artiste qui rêve de dépasser les frontières ? Ou bien existe-t-il des alternatives viables, des chemins de traverse où la langue maternelle ne serait pas un frein au succès ?
Cette question touche autant à l’identité culturelle qu’à la stratégie marketing. Car si l’anglais s’impose comme la langue de l’industrie, il n’est pas nécessairement celle du cœur. La musique, avant d’être une affaire de grammaire, est une question de vibration. Et certains artistes, en chantant dans leur langue, réussissent à toucher le monde entier.
À l’heure où les plateformes de streaming brouillent les frontières et où la diversité linguistique émerge dans les playlists, il est temps de se poser la question : faut-il vraiment chanter en anglais pour réussir ?

L’ANGLAIS, LA LANGUE DE L’INDUSTRIE MUSICALE : HISTOIRE ET DOMINATION
L’hégémonie de l’anglais dans la musique remonte à l’essor du rock’n’roll dans les années 1950, incarné par Elvis Presley, Chuck Berry ou encore Little Richard. Les maisons de disques américaines, disposant de moyens colossaux, ont rapidement exporté leur modèle à l’échelle mondiale. Puis, dans les années 60, les Beatles, Rolling Stones et autres figures de la British Invasion ont renforcé cette domination linguistique.
Avec l’émergence de MTV dans les années 80, puis celle des plateformes de streaming dans les années 2000, cette suprématie s’est consolidée. La pop mondiale s’est anglicisée, même dans des pays non anglophones : ABBA chantait en anglais, tout comme Ace of Base, Roxette ou encore BTS aujourd’hui.
Les raisons sont multiples :
L’anglais est la langue la plus apprise au monde.
Il est perçu comme « cool », moderne et international.
L'industrie musicale (majors, radios, TV, algorithmes de plateformes) privilégie les contenus en anglais pour maximiser les marchés.
Chanter en anglais, c’est donc souvent jouer selon les règles globales de l’industrie.
LE RÉFLEXE "ENGLISH" : ENTRE CHOIX ARTISTIQUE ET STRATÉGIE COMMERCIALE
Pour beaucoup d’artistes non anglophones, chanter en anglais est un choix stratégique. Cela permet de viser un public plus large, de s’ouvrir aux festivals internationaux et, surtout, de gagner en crédibilité auprès des maisons de disques.
C’est aussi une décision artistique. Certains genres – rock, soul, funk, hip-hop, house – ont des codes culturels et sonores très liés à l’anglais. L’imaginaire musical est anglo-saxon, et certains mots « sonnent » mieux dans cette langue. Essayez de traduire littéralement “You shook me all night long”…
Des artistes français comme Christine and the Queens, Jain, Phoenix, David Guetta, Daft Punk ou encore The Blaze ont fait ce pari avec succès. Idem en Allemagne (Scorpions), en Italie (Måneskin), ou en Espagne (Rosalía qui glisse parfois des couplets anglais dans ses chansons).
Mais cela pose aussi une question d’authenticité : que perd-on à abandonner sa langue d’origine ? Et le public ressent-il ce glissement comme sincère ?
LES EXCEPTIONS QUI CONFIRMENT LA RÈGLE : ARTISTES QUI RÉUSSISSENT SANS L’ANGLAIS
Heureusement, l’anglais n’est pas un passage obligé. Des dizaines d’artistes ont prouvé qu’on peut atteindre une renommée internationale en restant fidèle à sa langue.
Exemples :
Édith Piaf : symbole de la chanson française dans le monde entier.
Stromae : cartonne dans le monde entier avec des textes en français, souvent complexes.
Manu Chao : mélange français, espagnol, anglais et même wolof avec un succès planétaire.
Rammstein : groupe allemand qui remplit les stades sans jamais avoir cédé à l’anglais.
K-Pop (BTS, BLACKPINK) : chante principalement en coréen, avec quelques phrases anglaises, mais touche un public mondial.
Rosalía : espagnole, elle mêle flamenco et reggaeton avec des millions d’auditeurs à travers le monde.
Shakira : a commencé en espagnol avant d’adopter un anglais partiel, mais conserve ses racines.
Ces artistes prouvent que le caractère universel d’une voix, d’une émotion, d’une performance scénique peut transcender les barrières linguistiques.
LE RÔLE DES PLATEFORMES DE STREAMING ET DES RÉSEAUX SOCIAUX
Aujourd’hui, l’anglais n’est plus l’unique passeport pour la notoriété. Les plateformes comme Spotify, TikTok, YouTube ou Apple Music ont profondément changé la donne.
Les algorithmes privilégient l’engagement, pas la langue. Une chanson virale en arabe, en japonais ou en français peut exploser grâce à :
un challenge TikTok,
une performance live sur YouTube,
une playlist locale bien positionnée.
Les jeunes générations sont également plus ouvertes à la diversité linguistique, curieuses de sons venus d’ailleurs.
Les réseaux sociaux permettent aussi aux artistes de créer une communauté internationale, peu importe leur langue. C’est l’image, l’univers visuel, les valeurs et la sincérité qui créent le lien.
L’IDENTITÉ LINGUISTIQUE COMME FORCE ARTISTIQUE
Chanter dans sa langue, c’est revendiquer une identité, une culture, une singularité. Cela permet une richesse lexicale, une finesse d’interprétation, une authenticité qu’on ne retrouve pas forcément dans une langue apprise.
La langue façonne le rythme, la mélodie, l’accentuation. Certains genres, comme la chanson française ou la fado portugais, ne peuvent exister qu’à travers leur langue originelle.
Certains artistes font même de la langue un élément central de leur projet :
Lomepal, Orelsan ou Pomme en français.
Aya Nakamura enverrait-elle le même message sans le verlan et l’argot ?
Angèle joue avec les mots et les doubles sens propres au français.
Les artistes qui osent rester dans leur langue se démarquent par leur intégrité artistique, attirent une audience fidèle, et souvent plus engagée.
ENTRE UNIVERSALITÉ DU SON ET SINGULARITÉ DU VERBE
La musique est avant tout un langage émotionnel. Un groove, une mélodie, une voix cassée ou un refrain entêtant peuvent faire vibrer sans qu’on en comprenne les paroles.
Mais les mots comptent. La langue porte le message, la poésie, le cri, la revendication. Un texte en anglais peut ouvrir des portes, mais il peut aussi lisser le propos, perdre en impact.
À l’inverse, une langue étrangère intrigue, charme, bouscule. C’est cette tension permanente entre universalité du son et singularité du verbe qui fait la richesse de la scène musicale actuelle.
Conclusion : une fausse question ?
Faut-il chanter en anglais pour réussir ?
Oui, si l’on vise les radios mainstream internationales, les playlists globales, les festivals anglo-saxons.
Mais non, si l’on veut construire une œuvre sincère, ancrée dans sa langue, sa culture, sa vision du monde.
L’essentiel, finalement, c’est de trouver sa voix (et sa voie). Que l’on chante en anglais, en français, en wolof ou en coréen, ce qui compte, c’est d’être en phase avec soi-même et son public.
🎶 Parce qu’au-delà des mots, la musique reste une affaire de cœur.










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